Le monde post COVID-19 : pour une reprise intégrant les trajectoires bas-carbone

Un espoir de “relance verte”

La crise du COVID 19 a montré à quel point nos économies et leur performance basée sur leur sophistication organisationnelle et technologique étaient dépendantes de leurs conditions normales de fonctionnement. En disruptant la mobilité des personnes et les échanges de marchandises, la pandémie a déclenché un effondrement des économies mondiales, dont les effets à long terme restent à évaluer (voir les premières estimations (lien ici) de l’impact du COVID 19 par le FMI).

Beaucoup aujourd’hui espèrent que cette crise sera l’occasion d’une “relance verte” de ces économies - voir par exemple l’article de Novethic du 12 mai 2020. La crise du COVID 19, disent-ils, devrait permettre aux décideurs politiques et aux acteurs économiques d’accélérer la transition écologique, notamment en réorientant l’activité des entreprises intrinsèquement émettrices de Gaz à Effet de Serre et en conditionnant les aides au secteur privé à la mise en oeuvre de plans d’investissement pro-climat ou à la réorganisation des filières (comme le suggère Carbone 4 pour l’aviation).

Des mesures d’urgence sans contrepartie écologique

Même si les espoirs subsistent, force est de constater que certaines des premières mesures prises par les états ou les acteurs économiques vont à l’encontre de cette “relance verte”. Ainsi fin février, en plein déconfinement de la Chine, la National Energy Administration chinoise a autorisé la construction de nouvelles centrales à charbon à horizon 2023 pour une capacité supérieure à celle de la Pologne. Les états des économies les plus puissantes injectent des milliards pour sauver les entreprises sans exiger en contrepartie des engagements d’investissement pour la mise en œuvre de la trajectoire bas-carbone. Pourquoi ? Parce que l’urgence de la situation économique et sanitaire a parfois repoussé l’urgence climatique au second plan. Dans les temps difficiles, le court terme prend le pas sur le long terme, les économies cherchant avant tout à préserver l’existant et à limiter autant que possible l’impact du choc.

Une prise de conscience accrue des citoyens et des acteurs économiques

En revanche, de nombreux citoyens ont pris conscience que les modes de vie actuels et leur impact sur le climat, sur la biodiversité et, plus largement, sur la nature sont propres à déclencher une série de changements irréversibles, non prévisibles et, accompagnés de l’occurrence de situations extrêmes. Dans le cas du COVID, la cohabitation de l’homme avec des espèces sauvages dans certaines régions du globe a été identifiée comme une possible cause de l’épidémie (voir la conférence de l’IDDRI).

Prenons par exemple le cas de la distribution des températures à la surface de la Terre : d’après le GIEC , la température moyenne a déjà augmenté d’environ 1 à 1.5 degrés. Mais le GIEC estime également que les variations de températures d’un jour sur l’autre (ou au sein d’une même journée) vont significativement augmenter (lien ici). Ainsi, on peut s’attendre à davantage de jours extrêmement chauds. D’après les experts du GIEC, la canicule de 2003 pourrait ainsi devenir la norme, avec autant de jours d’été plus chauds que de jours plus froids…

C’est sur cette prise de conscience qu’il faudra s’appuyer pour agir. Ainsi, les acteurs de la finance sont de plus en plus convaincus de l’urgence de la question climatique, et sont prêts à s’engager pour une transition climatique juste, qui puisse accroître la résilience de nos sociétés face aux risques climatiques et sanitaires.

“Climate risk is investment risk”

Larry Fink, Président et CEO de Blackrock, dans l’édition 2020 de sa lettre aux CEOs

Le leader de la gestion d’actifs Blackrock a ainsi pris les devants en janvier 2020, en appelant à une action coordonnée pour contrer l’urgence climatique, comme l’a commenté le développeur de projets de compensation carbone South Pole (lien ici).

Il paraît probable qu’à long terme, la crise du COVID 19 renforce les exigences de robustesse climatique des entreprises. Dans le secteur financier, certains acteurs se réorganisent pour inclure les équipes en charge des analyses climatiques à la direction des risques. Le sujet gagne en focus au sein des différents conseils d’administration. Il faudra continuer dans cette voie et accélérer la transition pour que les objectifs de l’accord de Paris (lien ici) aient une chance d’être atteints.